dimanche 24 janvier 2010

La danse



Après le déjeuner, les femmes ont dansé selon la tradition balante. Deux jeunes jouent sur un grand balafon, tandis que des femmes frappent des morceaux de bois, style castagnettes. Une ou plusieurs femmes entrent dans le cercle et traversent la « piste » en frappant le sol d’un seul pied (nu) en général selon le rythme donné qui s’accélère au fur et à mesure. Quand elles sont fatiguées, elles reprennent leur place et d’autres les remplacent. Un seul homme a dansé, apparemment c’est plus l’affaire des femmes. Pendant une heure, sans arrêt, elles se sont succédé au son de ces rythmes plus ou moins endiablés, même celles qui portent leur bébé sur leur dos ou les femmes plus âgées. Elles s’amusent beaucoup et chacune s’exprime assez librement, du moment qu’elle tape du pied. Les spectateurs participent en applaudissant au rythme des « castagnettes ». Je vous laisse imaginer la poussière soulevée et le bruit assourdissant. Il n’y a pas besoin d’enceintes ! C’est en tout cas une belle fête très sympathique.


Encore la danse, inimaginable en France :

Les enseignants de l’école de Goudomp ont organisé un bal pour faire quelques bénéfices qui permettront de réaliser une fête de fin d’année. C’est aussi ce qui se pratique en France. Sauf que là, c’est un bal d’enfants, de 6 à 14ans. Quelques parents y ont participé, mais on les compte sur les doigts de la main. Horaires de 18h à 23h ? Je suis arrivé vers 19h30, il faisait noir et là j’ai découvert 250 enfants (80 m² environ) qui dansaient dans une petite salle complètement noire. Un seul point d’éclairage de la valeur d’une pile électrique. On ne pouvait reconnaître personne. Une seule ouverture de 1,50m. Je me remémorais les conditions de sécurité en France. Les enfants, eux ne tiennent pas compte de cela et s’en donnent à cœur joie. Ils ont vraiment le rythme dans la peau. Pourquoi ne suis-je pas né en Afrique ?

Puis, soudain coup de théâtre ! Quelqu’un lance que les rebelles casamançais ont envahi un des quartiers de Goudomp. Panique générale à bord, bousculade, les plus grands ne s’occupent plus des plus jeunes, beaucoup pleurent, il est impossible de canaliser la sortie. C’est un véritable miracle qu’il n’y ait eu aucun blessé ! Je comprends l’utilité des exercices d’évacuation en France qui doivent permettre d’éviter la panique et les accidents qu’elle entraîne. Mais chose extraordinaire aussi, en 2 minutes, il n’y avait plus un seul enfant. Certains maîtres aussi avaient pris la poudre d’escampette sans s’occuper des élèves ! A 21h dans la nuit noire, seuls, malgré la menace, ils sont rentrés chez eux, par où, comment avec qui ? C’est encore un mystère pour moi. Les enfants sont beaucoup plus indépendants qu’en France. Ils traînent souvent tout seuls dans les rues très jeunes (dès 4,5 ans), les parents ignorant où ils sont. Ils savent qu’il y aura toujours quelqu’un pour intervenir en cas de problème.

Pourquoi une telle panique ? La Casamance est enclavée entre la Gambie anglophone et la Guinée-Bissaau, séparée du reste du Sénégal. A cela s’ajoutent les difficultés d’accès. C’est une région qui se dit délaissée du pouvoir. Certains Casamençais ont prôné son indépendance. Ces indépendantistes ont été pourchassés par le pouvoir et se sont cachés dans la brousse ou en Guinée après une répression violente en 1982. Ils ont commis des exactions auprès des populations et cela a laissé des traces. Le mouvement a perdu beaucoup de sa popularité. De nombreuses mines ont entraîné bon nombre de tués, d’estropiés et de déplacements de population. En 2007, des accords ont été signés entre le gouvernement et ces rebelles et l’étau s’est desserré un peu et jusqu’ici, c’était assez calme. Or, depuis le début de l’année, certains groupes ont repris leur activité, tuant la semaine dernière un jeune à 5 Km de Goudomp, si bien que de nouveau la peur s’installe, d’où ce mouvement de panique suite à ce qui n’était finalement qu’une rumeur. Mais la peur est telle que les autres manifestations prévues ont été annulées, ce que je trouve très bien étant donné cette absence de sécurité totale. C’est dommage pour les enfants qui s’en faisaient une vraie fête, pas si fréquentes pour eux, mais

Ô temps suspend ton vol ! Le rapport au temps au Sénégal :


Le vendredi 22 janvier, j’étais invité à la cérémonie de lancement des classes d’alphabétisation en langue balante pour les femmes. Les Balantes sont une ethnie minoritaire et concentrée surtout sur la région de Simbandi. Ils ont un dialecte qui se nomme le Balante. Les textes de messes sont traduits en Balante, ainsi que le sermon et les informations de fin de cérémonie. Beaucoup de femmes en particulier n’ont pas été scolarisées et de ce fait ne parlent pas français, comme beaucoup d’hommes. Une association pour la promotion des femmes a lancé ce projet d’alphabétisation auprès de femmes pour leur apprendre à écrire leur langue. Une quarantaine de femmes suivent ces cours dans l’une des classes de l’école de Simbandi et c’est à ce titre que j’étais invité. Quand il y a une telle cérémonie, les autorités sont invitées (président de communauté rurale, chefs religieux, différents présidents d’associations, etc.) Si on ne peut y assister, il faut se faire représenter. Après l’accueil ce sont les allocutions et enfin on mange à l’africaine (bien que partageant le même plat, de plus en plus de gens prennent une cuillère, c’est plus hygiénique).

Voici donc l’horaire qui était porté sur la convocation :

9h-12h accueil des invités 12h-14h allocutions 14h-15h pause et repas 15h-16h suite des allocutions

Maintenant voici le déroulement effectif de cet après-midi :

La cérémonie se déroulait sur la cour de l’école, à l’ombre des grands arbres.

Les tables, les sièges et la sono sont arrivés sur la cour à 11h45. Le président m’a demandé si on pouvait libérer les élèves à 12h30 au lieu de 13h pour commencer la cérémonie. On a donc procédé à la descente du drapeau, j’ai rangé un peu et ai rejoint les gens présents (une vingtaine). La musique à fond empêchait de discuter avec son voisin. Voyant que rien ne bougeait, j’ai rejoint ma chambre de laquelle j’entendais la sono à 13h30, surtout que c’était un vendredi et que ce jour les Musulmans se retrouvent à la mosquée pour la prière. Il fallait attendre ceux qui participent à cet office. A 14h15, le président est venu me dire qu’il y avait un peu de retard et qu’il viendrait me chercher, ce qu’il a fait à …… 15h45. Les allocutions ont commencé à 16h pour se terminer à 17h. Heureusement, il y en a eu moins que prévu, et on a « déjeuné » à 17h15. Les horaires sont très élastiques et beaucoup de temps est perdu. Souvent chacun se dit que la réunion ou la cérémonie ne va commencer que dans 1 ou 2 heures et c’est une chaîne sans fin. En moyenne, il y a toujours 90 mn de retard et parfois, il faut rappeler ce qui a été dit au début, sans compter ceux qui partent avant la fin. Tenir une réunion dans des conditions correctes est plutôt difficile. Un moyen de garder les gens jusqu’au bout est d’offrir le déjeuner à la fin. Bien sûr, les plus malins arrivent peu de temps avant qu’il ne soit servi. Cela heurte nos mentalités d’occidentaux qui concèdent parfois le quart d’heure, dit « angevin » dans notre région. Je pense quand même que ce problème d’organisation devra être résolu car un temps précieux est perdu, déjà certains responsables en ont conscience et essaie d’y remédier.